Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/157

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que je veuille voir les hommes fuir tremblans à mon aspect. Mes armes ! Thésée, mes armes ! on me les a prises ; qu’elles me soient rendues à l’instant. Si j’ai recouvré ma raison, remettez-les-moi ; si ma folie dure encore, éloignez-vous, ô mon père : je saurai bien trouver le chemin de la mort.

AMPHITRYON.

Par le mystère de ta naissance, par le respect que tu me dois pour t’avoir mis au monde, ou seulement pour t’avoir élevé ; par ces cheveux blancs que tous les cœurs vertueux révèrent, je t’en conjure, épargne ma vieillesse délaissée, et la faiblesse de mes vieux ans. Conserve-toi comme l’unique appui de ma maison déchue, comme la dernière consolation de mes disgrâces. Je n’ai recueilli jamais aucun fruit de tes travaux ; toujours il m’a fallu craindre les dangers de la mer, ou la fureur des monstres. S’il est dans le monde un roi barbare qui tue les hommes, ou verse leur sang sur ses autels, il me faut le redouter. Toujours privé de mon fils, je te demande enfin de m’accorder la joie de ta présence, le bonheur de te voir et de te presser sur mes bras.

HERCULE.

Je n’ai point de raison pour jouir plus long-temps de la lumière ; tous les liens qui pouvaient m’attacher à la vie sont brisés : esprit, armes, gloire, femme, enfans, valeur, j’ai tout perdu, jusqu’à ma fureur. Rien ne peut guérir la plaie de ma conscience : il n’y a de remède au crime que la mort.

AMPHITRYON.

Tu veux donc tuer aussi ton père ?