Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/185

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son maître, fut à son tour trahi ; victime de la même perfidie qu’il avait montrée, son corps jeté dans la mer lui donna un nom nouveau ; il n’est point de récit mieux connu des navigateurs de la mer d’Ionie. Le jeune Pélops, comme il accourait dans les bras de son père, mourut frappé d’un glaive impie, et la main de Tantale déchira les membres de cette tendre victime pour les servir sur la table des dieux qu’il avait reçus dans son palais. Une faim sans repos, une soif éternelle, sont le prix de cet abominable festin. Il était impossible d’inventer une peine mieux appropriée à son crime. Toujours trompé dans ses désirs, le malheureux Tantale voit pendre au dessus de sa tête des fruits superbes, mais plus fugaces que les Harpyies. De chaque côté, un arbre laisse tomber ses branches courbées sous leur poids qui s’incline et se balance autour des lèvres béantes de ce malheureux affamé. Malgré sa faim, malgré l’affreux besoin qui le presse, trompé tant de fois, il ne cherche plus à saisir ces alimens perfides ; il détourne les yeux, tient ses lèvres fermées, serre les dents pour renfermer en lui-même la faim qui le dévore : mais à ce moment tous les arbres étalent plus près de lui leurs richesses, et leurs fruits se jouent mollement sur les branches flexibles ; ses désirs s’en irritent, ses mains se remettent à l’œuvre. À peine les a-t-il étendues pour saisir une nouvelle déception, que tout ce riche automne s’enlève et les arbres ont disparu. Une soif non moins horrible que sa faim le saisit à son tour : quand elle a bien enflammé son sang, et brûlé sa gorge comme un feu, le malheureux se penche