Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/193

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LE GARDE.

Un roi n’a qu’à vouloir le bien, sa volonté sera celle de tous.

ATRÉE.

Un roi qui ne règne qu’à la condition de faire ce qui est juste, n’a qu’une autorité précaire.

LE GARDE.

Mais sans la vertu, sans le respect de la justice, sans la probité, sans l’humanité, sans la bonne foi, il n’y a point de puissance durable.

ATRÉE.

La probité, l’humanité, la bonne foi, sont des vertus purement privées. Les rois ne doivent avoir de règle que leur caprice.

LE GARDE.

Croyez que c’est un crime de faire du mal à un frère même coupable.

ATRÉE.

J’ai contre lui tous les droits qu’il a lui-même violés. Quel est le crime qu’il n’a pas commis, l’attentat devant lequel il a reculé ? Il m’a ravi mon épouse, il m’a volé mon royaume. Il a dérobé le gage antique de la puissance, il a porté le trouble dans ma maison par ses perfidies. Il y a, dans les riches étables de Pélops, un bélier mystérieux, chef d’un noble troupeau ; une longue toison d’or le couvre tout entier, et c’est de cette laine précieuse qu’est orné le sceptre des fils de Tantale. La couronne appartient à l’heureux possesseur de ce bélier, sur qui repose ainsi la destinée de toute notre famille. Gardé comme en un sanctuaire impénétrable, il broute