Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/197

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assez embrasée dans mon sein ; je veux ajouter quelque chose de plus affreux à mes transports.

LE GARDE.

Qu’est-ce que votre rage veut enfanter de nouveau ?

ATRÉE.

Rien qui soit à la mesure d’une haine ordinaire : je réunirai tous les crimes, et ma fureur pourtant ne sera point satisfaite.

LE GARDE.

Le fer ?

ATRÉE.

C’est peu.

LE GARDE.

Et le feu ?

ATRÉE.

C’est peu encore.

LE GARDE.

Quel sera donc l’instrument d’une semblable colère ?

ATRÉE.

Thyeste lui-même.

LE GARDE.

C’est là une arme plus forte que toute haine.

ATRÉE.

Je l’avoue : un désordre affreux trouble mon cœur, et le bouleverse tout entier. Je suis entraîné, je ne sais où, mais je cède à la force qui m’entraîne. La terre mugit, ébranlée jusqu’en ses fondemens ; le ciel tonne, quoique sans orage ; ce palais crie comme s’il allait se briser, les dieux lares se sont émus et ont tourné la tête : oui, oui, dieux suprêmes, je le commettrai ce crime qui vous fait horreur.