Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/203

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LE GARDE.

Cherchez d’autres instrumens pour vos funestes desseins ; vos fils en viendraient à exécuter contre vous ce que vous leur apprendriez à faire contre leur oncle. Souvent le crime retourne contre le maître qui en a donné les leçons.

ATRÉE.

Quand personne ne leur enseignerait le chemin du crime et de la perfidie, le trône les leur fera bien connaître. Tu crains qu’ils ne deviennent pervers ? Mais ils le sont en naissant. Mon projet, qui te semble barbare, cruel, féroce et impie, s’agite peut-être en ce moment dans la tête de mon frère.

LE GARDE.

Vos enfans seront-ils dans le secret de cette perfidie ? Leur âge n’est point mûr pour la discrétion ; ils pourraient trahir vos desseins. L’homme n’apprend à se taire qu’à la rude école du malheur. Sans doute que ces enfans qui vont servir à tromper votre frère, vous les tromperez eux-mêmes, afin de leur épargner au moins la complicité de cette barbarie.

ATRÉE.

Quel besoin en effet de mêler mes enfans à mon crime ? Seul je puis bien suffire au service de ma haine… Mais quoi ? je recule dans mes projets. C’est une faiblesse. Épargner mes enfans, c’est l’épargner lui-même. Agamemnon saura mes projets et en sera l’instrument, Ménélas les saura de même et sera près de moi pour me servir à les exécuter. Ce crime sera pour moi l’occasion d’éclaircir mes doutes sur leur origine. S’ils re-