Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/217

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ne cachent aucun piège. C’est dans l’or que se verse le poison. Je parle par expérience ; la misère vaut mieux que l’opulence. Une cité faible ne reçoit point d’ombrage d’une maison bâtie sur le sommet d’une haute montagne et menaçante par sa position. Pauvre, je ne vois point l’ivoire briller à mes somptueux lambris, je n’ai point de sentinelles vigilantes pour protéger mon sommeil. Je n’envoie point de flottes entières à la pêche, la mer ne recule point refoulée par mes digues ambitieuses. Les tributs des nations ne viennent point s’engloutir dans l’abîme de mes appétits gloutons. Je ne cherche point à reculer jusqu’aux terres des Gètes et des Scythes la borne de mes champs. L’encens ne brûle point pour moi comme pour un dieu, et les autels de Jupiter ne sont point remplacés par les miens. Point de forêts dont les arbres se balancent sur le toit de mes palais ; point d’étangs dont les eaux fument chauffées par la main des hommes. Je n’ajoute point le jour à la nuit pour le sommeil, ni la nuit au jour pour les débauches de table. Mais aussi je vis sans crainte ; ma demeure est tranquille quoique sans armes, et la médiocrité de mon état m’assure un profond repos. C’est une richesse plus que royale, que de savoir se passer de la royauté.

PLISTHÈNES.

Il ne faut pourtant pas la refuser, si les dieux vous la donnent.

THYESTE.

Il ne faut pas la rechercher non plus.

PLISTHÈNES.

Votre frère vous prie de partager le trône avec lui.