Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/231

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mettre un homme du sommet des grandeurs au dernier degré de l’abaissement. Celui qui dispense à son gré les couronnes, qui, d’un signe de sa tête, désarme le Mède, et l’Indien brûlé par l’astre du jour, et le Scythe qui menace le Parthe de sa puissante cavalerie, tient lui-même le sceptre d’une main tremblante ; il prévoit, il redoute ces révolutions soudaines qui bouleversent le monde, et les changemens que le temps peut amener.

Ô vous, à qui le roi de la terre et des mers a donné ce droit terrible de vie et de mort, abaissez l’orgueil de vos fronts superbes. Tout ce que vos sujets ont à redouter de vous, vous avez vous-même à le craindre d’un maître qui vous domine. Toute puissance relève d’une puissance supérieure. Un monarque règne au matin dans sa force, et le soir le voit renversé. Il ne faut point ni trop se confier dans la prospérité, ni désespérer dans le malheur. Clotho mêle ces deux extrêmes de la vie humaine, et ne laisse point reposer la fortune, qui mène tout au branle de sa roue. Jamais homme ne fut assez favorisé du ciel pour être sûr du lendemain. Dieu roule dans un tourbillon rapide les hommes et les choses.