Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avènement au trône ; c’est là que dans leurs revers ou dans leurs craintes ils vont implorer le secours des dieux. On voit appendus à ce chêne des dons pieux, des trompettes guerrières, des chars brisés, des carènes rompues sur la mer Égée, le char d’Énomaüs, l’essieu trompeur de Myrtile, et tous les monumens de la valeur des fils de Tantale. On y voit la tiare phrygienne de Pélops, les dépouilles de ses ennemis, et la chlamyde aux riches couleurs, monument de ses victoires sur les Barbares. Sous l’ombrage de ce bois, est une triste fontaine aux eaux noires et stagnantes, comme celles des marais, semblable au fleuve infernal qui garantit les sermens des dieux. On raconte que, durant les nuits, on entend dans ce lieu les divinités funèbres gémir, que le bois retentit d’un bruit de chaînes agitées et des hurlemens des Mânes. Tous les prodiges, dont le récit même épouvante, se voient dans ce lieu ; des morts s’y promènent sortis de leurs vieux tombeaux, et des monstres d’une grandeur inconnue s’y font voir. Souvent même la forêt brille de mille feux, et les arbres gigantesques s’enflamment d’eux-mêmes. Le bois retentit parfois d’un triple aboiement, et des spectres plus grands que nature jettent la terreur dans le palais. Le jour même ne rend pas ce lieu moins horrible : il a une nuit qui lui est propre, et les fantômes de l’enfer s’y promènent à la lumière du soleil. Ceux qui vont consulter l’avenir en ce lieu en rapportent des oracles certains ; la prophétie s’échappe du sanctuaire avec un bruit immense ; un dieu parle, et la caverne s’ébranle au son de sa voix redoutable. Atrée furieux entre dans ce lieu funeste, traînant après lui les enfans de son frère ;