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la couleur de son visage à l’aspect des têtes de ses enfans, d’entendre ses premiers cris de douleur, de le voir tomber sans haleine et le corps glacé. Tel doit être le fruit de mon œuvre. Ce n’est pas de ses souffrances que je veux être témoin, mais de leur commencement. — Le palais est ouvert et resplendissant de mille feux : Thyeste est là, couché sur la pourpre et sur l’or ; sa tête appesantie par le vin s’appuie sur sa main gauche. Un hoquet… Oh ! je suis le plus grand des dieux, et le roi des rois. Mes vœux sont dépassés. Il est rassasié de viandes, et boit le vin dans une large coupe. Ne te fais pas faute de boire, il reste encore assez de sang de mes trois victimes ; je le mêlerai avec un vin vieux pour en déguiser la couleur, et cette dernière coupe achèvera ton repas. Qu’un père boive le sang de ses enfans ! Il aurait bu le mien. Le voilà qui chante, et se répand en paroles joyeuses ; il n’est plus maître de sa raison.





Scène II.

THYESTE.
HYMNE.

Ô mon âme, fatiguée par de longues infortunes, dépose le fardeau de tes soucis inquiets ; bannis la tristesse, bannis la crainte, loin de moi l’indigence, misérable compagne de l’exil, et la honte qui s’attache au malheur. Ne regarde pas où tu es, mais d’où tu viens. C’est beaucoup de pouvoir, en tombant de haut, poser un pied ferme