Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/267

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THYESTE.

Voilà donc ce traité de paix, cette amitié rendue, cette foi jurée entre frères ? c’est donc ainsi que tu abjures la haine ? Ce ne sont plus mes fils vivans que je te demande ; frère, je demande à mon frère une grâce qui ne prend rien sur son crime et sur sa haine, la permission de les ensevelir. Rends-moi d’eux ce que tu me verras brûler à l’instant. Ce n’est pas pour les garder que je les demande, mais pour les perdre.

ATRÉE.

Tu auras de tes fils tout ce qui en reste ; ce qui n’en reste plus, tu l’as déjà.

THYESTE.

En as-tu fait la pâture des oiseaux cruels ? les as-tu jetés en proie aux bêtes féroces ?

ATRÉE.

C’est toi-même qui les as mangés dans cet horrible festin.

THYESTE.

C’est pour cela que les dieux ont été frappés d’horreur ! c’est pour cela que le soleil est retourné en arrière ! Quels cris ? quelles plaintes faire entendre ? quelles paroles suffiront à ma douleur ? Je vois leurs têtes coupées, leurs mains arrachées, et tous leurs os mis en pièces. Ce sont là les seules parties que leur père n’a pu dévorer. Mes entrailles s’agitent, ce crime enfermé dans mon sein fait effort pour en sortir, et cherche vainement une issue. Frère, donne-moi ton épée, elle est déjà toute abreuvée de mon sang ; donne-la-moi, que j’ouvre avec le fer une issue à mes enfans. Tu me la refuses ! je vais briser