Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/309

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de leur père ; à l’œuvre donc, enfans d’une race illustre, et prouvez par des faits votre noble origine. Surpassez ma gloire et mes exploits, signalez-vous par des actions qui fassent sentir à votre père le bonheur de vivre encore pour en être témoin. Vous le ferez, j’en suis sûr ; c’est pour cela que vous êtes venus au monde. Une célébrité comme la mienne n’appelle point des crimes légers et vulgaires. Aux armes ! portez la flamme au sein de vos dieux domestiques, et moissonnez avec le feu cette terre qui vous a vus naître. Troublez tout, portez partout le ravage et la mort, renversez les murs de votre ville, et rasez-les : écrasez les dieux sous la chute de leurs temples ; fondez les images de vos Pénates souillés ; détruisez votre palais de fond en comble ; brûlez votre ville, et que cet incendie commence par mon lit nuptial.

ANTIGONE.

Calmez, ô mon père, ces emportemens de la douleur, laissez-vous attendrir aux maux de tout un peuple, et venez pour être entre vos deux fils l’arbitre d’une heureuse paix.

ŒDIPE.

Suis-je donc un vieillard à l’âme douce et modérée ? trouves-tu en moi un homme assez ami de la paix pour la pouvoir conseiller aux autres ? Mon cœur est gonflé de colère, la fureur bouillonne dans mon sein, et mes vœux appellent de plus grands crimes que le destin et le brutal emportement de la jeunesse n’en réservent à ces furieux. Ce n’est pas assez de la guerre civile : que le frère tombe expirant sur le frère déjà mort. Mais c’est trop peu : pour que le crime s’accomplisse d’une manière