Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/323

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guerre, ou brisez l’obstacle que j’oppose à votre fureur. Indécise entre vous deux, auquel d’abord adresserai-je mes prières ? lequel dois-je presser le premier dans mes bras ? une tendresse égale me porte à la fois vers tous les deux. Polynice a été long-temps séparé de moi ; mais si votre accord fraternel subsiste, Étéocle va maintenant s’éloigner à son tour. Suis-je condamnée à ne vous voir jamais réunis que pour vous combattre ? Viens le premier dans mes bras, toi qui, éprouvé déjà par tant de peines et de maux, revois ta mère après un long exil. Viens, approche : cache dans le fourreau ce glaive impie, enfonce dans la terre cette lance qui tremble entre tes mains, et qui voudrait s’en échapper. Ce bouclier empêcherait ton sein de se poser sur le sein de ta mère ; dépose-le donc aussi. Débarrasse ton front de ce casque pesant, dégage ta tête de ce terrible appareil des batailles, et livre ton visage nu aux baisers de ta mère. Tu détournes les yeux, tu jettes des regards inquiets sur la main de ton frère. Ne crains rien, je te couvrirai tout entier de mes bras, on ne pourra verser ton sang qu’en répandant le mien. Tu hésites ? n’oses-tu donc te confier à ta mère ?

POLYNICE.

Oui, je crains ; les saintes lois de la nature n’ont plus de force. Après cet exemple donné par un frère, il faut se défier de sa mère même.

JOCASTE.

Reprends donc ton épée, renoue ton casque, rattache ton bouclier à ton bras gauche. Garde tes armes, jusqu’à ce que ton frère ait jeté les siennes. C’est à toi de poser