Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/337

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cette guerre impie, dissipe les alarmes de tes concitoyens, sèche les pleurs de ta famille.

POLYNICE.

Eh quoi ! mon frère dénaturé ne porterait point la peine de son parjure et de son crime ?

JOCASTE.

Sois sans crainte ; il ne sera que trop cruellement puni… Il règnera.

POLYNICE.

Est-ce là un châtiment ?

JOCASTE.

Si tu en doutes, crois-en du moins ton aïeul et ton père : c’est une vérité que Cadmus et sa famille t’apprendront : nul ne s’est assis impunément sur le trône de Thèbes ; et pourtant, aucun de ses rois jusqu’ici n’a dû le sceptre au parjure ; tu peux, dès ce moment, mettre Étéocle parmi eux.

POLYNICE.

Je l’y mets sans doute, et c’est à ce prix que je veux régner moi-même.

ÉTÉOCLE.

Moi, je te mets au nombre des exilés.

POLYNICE.

Et toi, règne, mais avec la haine de tes sujets.

ÉTÉOCLE.

C’est ne vouloir pas régner que de craindre la haine. La puissance et la haine sont deux choses que le créateur du monde a mises ensemble sur la terre. La gloire d’un roi, c’est de dominer la haine. L’amour des sujets ne peut