Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/357

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tisfaire ma passion ? Non, quand il reviendrait sur la terre, cet ingénieux ouvrier qui enferma dans le labyrinthe obscur le monstre sorti de notre sang, il ne pourrait apporter aucun secours à mes maux. Vénus hait la famille du Soleil, et se venge sur nous des filets qui l’ont enveloppée avec son amant. Elle charge toute la famille d’Apollon d’un amas d’opprobres. Aucune fille de Minos n’a brûlé d’un feu pur ; toujours le crime s’est mêlé à nos amours.

LA NOURRICE.

Épouse de Thésée, noble fille de Jupiter, hâtez-vous d’effacer de votre chaste cœur ces pensées abominables : éteignez ces feux impurs, et ne vous laissez pas aller à une espérance funeste. Celui qui, dès le commencement, combat et repousse l’amour, est toujours sûr de vaincre à la fin et de trouver la paix. Si, au contraire, on se plaît à nourrir et à caresser un doux penchant, il n’est plus temps ensuite de se révolter contre un joug que l’on s’est imposé soi-même. — Je connais l’orgueil des rois ; je sais combien il est dur, combien difficilement il plie devant la vérité, et se soumet à de sages conseils : mais n’importe ; quelles que soient les conséquences de ma hardiesse, je m’y résigne. Le voisinage de la mort qui délivre de tous les maux, donne plus de courage aux vieillards. Le premier degré de l’honneur, c’est de vouloir résister au mal et ne point s’écarter du devoir ; le second, c’est de connaître l’étendue de la faute qu’on va commettre. Où allez-vous, malheureuse ? voulez-vous ajouter au déshonneur de votre famille, et surpasser votre mère ? car un amour criminel est pire qu’une passion mons-