Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/359

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trueuse ; une passion monstrueuse est un coup du sort, un amour criminel est le fruit d’un cœur pervers et corrompu. Si vous croyez que l’absence de votre époux descendu aux enfers puisse assurer l’impunité de votre crime, et dissiper vos alarmes, vous vous trompez : en supposant que Thésée soit caché pour jamais dans les profonds abîmes de l’enfer, et ne doive jamais repasser le Styx, n’avez-vous pas votre père qui règne au loin sur les vastes mers, et tient cent peuples divers sous son sceptre paternel ? Un pareil forfait restera-t-il invisible à ses yeux ? Le regard d’un père est difficile à tromper. Mais admettons même qu’à force d’adresse et de ruse nous puissions cacher un si grand crime, le déroberons-nous aux regards de votre aïeul maternel dont la lumière embrasse le monde ? échappera-t-il au père des dieux, dont la main terrible ébranle l’univers en lançant les foudres de l’Etna ? L’œil de vos aïeux embrasse toutes choses, comment pourrez-vous éviter leurs regards ?

Mais, quand les dieux consentiraient à fermer complaisamment les yeux sur cet horrible adultère, et à jeter sur vos criminelles amours un voile favorable qui a toujours manqué aux grands crimes, comptez-vous pour rien le supplice affreux d’un esprit troublé par le remords, d’une conscience bourrelée, toujours pleine du forfait qu’elle se reproche, et effrayée d’elle-même ? Le crime peut être quelquefois en sûreté, mais il n’est jamais en repos.

Éteignez, je vous en conjure, éteignez la flamme de cet amour impie : c’est un forfait inconnu aux nations les plus barbares, et qui ferait horreur aux Gètes vagabonds, aux habitans inhospitaliers du Taurus, aux