Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/365

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PHÈDRE.

L’Amour m’accable de toute sa puissance, et je ne crains pas le retour de Thésée. On ne remonte plus vers la voûte des cieux, quand on est une fois descendu dans le muet empire de la nuit éternelle.

LA NOURRICE.

Ne le croyez pas. Quand même Pluton aurait fermé sur lui les portes de son royaume, quand le chien du Styx en garderait toutes les issues, Thésée saura bien s’ouvrir une voie interdite au reste des mortels.

PHÈDRE.

Peut-être que mon amour trouvera grâce devant lui.

LA NOURRICE.

Il a été sans pitié pour la plus chaste des épouses. Antiope l’Amazone a éprouvé la rigueur de sa main cruelle. Mais en supposant que vous puissiez fléchir votre époux irrité, comment fléchirez-vous le cœur insensible de son fils ? Il hait tout notre sexe, le seul nom de femme l’effarouche ; cruel envers lui-même, il se dévoue à un célibat perpétuel, il fuit le mariage, et vous savez d’ailleurs qu’il est fils d’une Amazone.

PHÈDRE.

Ah ! je veux le suivre dans sa course rapide au sommet des collines neigeuses, à travers les roches hérissées qu’il foule en courant, je veux le suivre au fond des bois épais et sur la crête des montagnes.

LA NOURRICE.

Croyez-vous qu’il s’arrête, qu’il s’abandonne à vos caresses, et qu’il se dépouille de son chaste vêtement pour favoriser d’impudiques amours ? Pensez-vous qu’il