Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/463

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’éternité tout entière vous reste. Maintenant il faut rendre à votre fils les derniers devoirs, et ensevelir au plus tôt les tristes débris de son corps indignement dé— chiré.

THÉSÉE.

Oui, oui, qu’on apporte les restes de cet enfant chéri, et cette masse qui n’a plus de forme, et ces mem— bres rassemblés au hasard. Est-ce là I-Iippolyte ? Ahl je reconnais mon crime. C’est moi qui l’ai tué, c’est moi ; et pour n’être pas seul coupable, ni coupable à demi, père, j’ai appelé mon père à seconder mon crime, et voilà le fruit de ses faveurspaternelles. 0 coup funeste qui ravit un fils à mes vieux ansl — Embrasse du moins ces membres déchirés, malheureux père ; presse et ré- chauffe contre ton coeur ce qui reste de ton enfant ; re- cueille les débris sanglans de ce corps mis en pièces ; rétablis l’ensemble de cet être brisé, remets chaque membre en son lieu. Voici la place de sa main droite ; voici où il faut replacer sa main gauche si habile à tenir les rênes de ses coursiers. Je reconnais le signe em- preint sur son flanc gauche. — Combien de parties man- quent encore à mes regretsl affermissez-vous, ô mes mains tremblantes, et poursuivez jusqu’au bout cette douloureuse recherche ; arrêtez-vous, mes larmes, laissez un père compter les membres de son enfant, et réta- blir l’ensemble de son corps. Quelle est cette masse in- forme, défigurée par mille blessures ? Je ne sais laquelle, mais c’est une partie de toi-même. Remettez-la donc ici, non pas à sa place, mais à cette place qui est restée vide. Est-ce ce visage tout brillant d’un feu céleste, et