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notre poète à ne mettre dans l’esprit de Thyeste aucune mauvaise pensée contre son frère, et à le faire conduire malgré lui par ses enfans dans le piège où ses enfans doivent périr. Ego vos sequor, non duco ; parole prophétique bien propre à annoncer d’avance la catastrophe, et à augmenter l’intérêt dû au malheur de Thyeste.

Page 185. Remplissons nos engagemens. Nous ne croyons point, avec le commentateur de Lemaire, que cette parole s’adresse à Thyeste. Atrée se parle encore à lui-même et se dit : Remplissons la promesse que je lui ai faite de le bien recevoir, faisons les démonstrations d’amitié qu’il doit attendre.

Page 187. Si vous n’étiez tel à mon égard, il me serait facile de prouver mon innocence. Rien de plus noble et de plus attendrissant que ce langage de Thyeste, en lui-même, et par opposition avec les sentimens d’Atrée. Les paroles de Thyeste sont l’expression d’un sentiment vrai, répondant à la démonstration la plus cruellement hypocrite qui se puisse imaginer. Rien de plus terrible que cette situation, rien de plus naturel que la manière dont elle est rendue.

Avoir une couronne, c’est l’effet du hasard ; la donner, c’est l’ouvrage de la vertu.

Le bonheur peut conduire à la grandeur suprême ;
Mais pour y renoncer, il faut la vertu même.

(P. CORNEILLE, Cinna, acte II, sc. I.)

Pallidœ natos tenuere matres (v. 563). Nous avons traduit : « Les mères pâles pressaient leurs enfans contre leur sein. » Nous croyons ce sens véritable. Il s’agit d’une guerre soudaine, et qui avait porté l’effroi dans Mycènes. Le poète fait le tableau de cette inquiétude générale des mères et des épouses, qui se reproduit dans tous les momens d’orage. Du reste, l’autre sens, préféré par quelques commentateurs, n’offre rien de déraisonnable.

Page 195. Celui qui dispense à son gré les couronnes. Il s’agit évidemment du maître de Rome, à qui cet avis n’était point mal adressé. Il est inutile de faire remarquer au lecteur la beauté de ce passage ; ces maximes : « Toute puissance relève d’une puis-