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dans la position de Phèdre, doit nécessairement saisir avec avidité.

Page 369. C’est l’excès de votre chaste amour pour Thésée. — Oui, cher Hippolyte, j’aime le visage de Thésée, etc. Il suffit de citer cette partie de la déclaration de Phèdre dans la tragédie française, pour montrer tout ce que Racine doit à notre auteur :

HIPPOLYTE.

Je vois de votre amour l’excès prodigieux etc.

PHÈDRE.

Oui, prince, je languis, je brûle pour Thésée :
Je l’aime, non point tel que l’ont vu les enfers,
Volage adorateur de mille objets divers,
Qui va du dieu des morts déshonorer la couche ;
Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche,
Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi,
Tel qu’on nous peint les dieux, ou tel que je vous voi.
Il avait votre port, vos yeux, votre langage ;
Cette noble pudeur colorait son visage,
lorsque de notre Crète il traversa les flots,
Digne sujet des vœux des filles de Minos.

Si vous aviez suivi Thésée sur la mer de Crète :

Que faisiez-vous alors ? Pourquoi, sans Hippolyte,
Des héros de la Grèce assembla-t-il l’élite ?
Pourquoi, trop jeune encor, ne pûtes-vous alors
Monter sur le vaisseau qui le mit sur nos bords ?
Par vous aurait péri le monstre de la Crète,
Malgré tous les détours de sa vaste retraite,
Pour en développer l’embarras incertain,
Ma sœur, du fil fatal, eut armé votre main.

Tout le reste de ce morceau admirable appartient à Racine : lui seul a eu l’idée de faire dire à Phèdre :

Mais non, dans ce dessein, je l’aurais devancé,

Lui seul pouvait terminer cette déclaration pathétique par ce trait sublime :

Et Phèdre, au Labyrinthe avec vous descendue,
Se serait avec vous retrouvée ou perdue.