Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autre boit jusqu’à l’ivresse le doux poison de la faveur populaire, et se repaît des vains applaudissements d’une multitude plus inconstante que les flots de la mer. Un autre enfin trafique des luttes orageuses du barreau, et se fait un revenu honteux de ses paroles et de ses emportemens oratoires. Il en est peu qui connaissent le prix du repos, et qui, songeant à la brièveté de notre vie, sachent profiter d’un temps qui ne doit plus revenir.


Pendant que les destins le permettent, vivez heureux ; la vie s’écoule avec vitesse, et le cercle du jour entraîne rapidement celui de l’année. Les cruelles sœurs travaillent sans relâche, et ne ramènent point en arrière leurs fuseaux. Cependant la race humaine va d’elle-même au devant de sa destinée, dans l’égarement qui l’aveugle. Oui, nous allons chercher volontairement les eaux du Styx avant l’appel du destin.


Ô Hercule ! pourquoi ton noble cœur t’a-t-il entraîné si tôt vers le ténébreux séjour des Mânes ? Les Parques ont leur jour marqué d’avance. Il n’est donné à aucun mortel de prévenir ce terme fatal, ni de le devancer ; la mort ne reçoit que ceux qu’elle appelle.


Qu’un autre porte bien loin la gloire de son nom, et remplisse la terre du bruit de ses exploits ; qu’un autre s’élève jusqu’au ciel sur les ailes de la gloire, et marche au dessus des hommes sur un char triomphal ; pour moi, je ne demande qu’un asile obscur et tranquille, sur la