Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 1.pdf/8

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en littérature le joug de la Grèce, comme en politique celui de l’aristocratie protectrice des Grecs, celui des Metellus, des Fabius, des Quintius, des Émilius, des Marcius, des Scipions surtout. Ces nobles orgueilleux qui foulaient si cruellement la vieille Italie, dont les armes leur soumettaient le monde, accueillaient avec faveur les hommes et les mœurs étrangères. Ils fermaient Rome aux Italiens pour l’ouvrir aux Grecs. Peu à peu s’effaçait le type rude et fruste du génie latin. On ne trouvait plus de vrais Romains que hors de Rome, chez les Italiens, par exemple à Tusculum en Caton, et plus tard dans ce paysan d’Arpinum qui fut Marius. »

Cette invasion des idées étrangères avait pour chef politique le premier Scipion, pour chef littéraire le vieil Ennius, qui tous deux poussaient à l’hellénisme, l’un par ses mœurs, par son langage, par l’autorité de son nom, l’autre par ses écrits. Le génie du vieux Latium se leva pour défendre son originalité compromise, et leur suscita deux puissans adversaires, un homme d’état et un poète, Caton et Névius. Caton se déclara l’ennemi personnel des Grecs, et des Scipions qui les avaient pris sous leur patronage ; Névius attaqua les uns et les autres dans ses vers mordans et pleins de sel, mais rudes comme le génie latin qu’il représentait. La lutte fut longue et les succès balancés. Le parti national sembla un moment vaincu : Névius, banni par la cabale victorieuse des Scipions, s’exila de Rome en prédisant à ses concitoyens que, lui mort, ils n’auraient plus personne pour leur apprendre à parler leur langue ; mais le génie persévérant de l’homme d’état vint au secours du