Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/103

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crimes, Cithéron maudit, déchaîne contre moi les monstres de tes bois, ou tes chiens furieux. Envoie-moi une Agave. Mon âme, pourquoi crains-tu la mort ? Elle seule dérobe l’innocence aux coups du malheur.»

A ces mots, sa main cruelle se porte à la garde de son épée et en fait sortir la lame. (t Penses-tu donc, se dit-il alors, qu’un châtiment aussi léger suffise après tant d’horreurs, et crois-tu les expier toutes à la fois d’un seul coup ? Tu meurs, c’est bien, ton père est gendrés par un crime ? mais ta patrie, dont la ruine ef— vengé. Mais ta mère ? mais ces enfans que tu as en froyable expie en ce moment tes forfaits ? Va, tu ne peux t’acquitter de tout ce que tu (lois. La nature a trou— blé pour toi ses lois éternelles, et l’ordre accoutumé de la naissance ; il faut que ton supplice la trouble aussi. Il te faut revivre, et mourir encore, et renaître tou- jours, afin que ton châtiment se renouvelle et s’éter— nise. Sers-toi (le toutes les ressources de ton esprit ; sup- plée au nombre par la durée ; invente une mort longue, et trouve le moyen d’errer loin des vivans, sans être réuni aux morts. Meurs, mais un peu moins que ton père. Tu hésites, ô mon âme ! Un torrent de pleurs s’é- chappe malgré moi, et coule sur mes joules. Est-ce donc assez de pleurer ? Non, il faut que mes yeux mêmes sor- tent de leurs orbites et s’en aillent avec mes pleurs ; il faut arracher ces yeux coupables en expiation de mon hymen. n

Il dit, et sa colère va jusqu’à la fureur. Un feu san- vage anime ses traits menaçans, et ses yeux ont peine à se contenir dans leurs orbites. On voit sur son Visage