Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/105

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la colère , la violence , l’emportement féroce et la cruauté d’un bourreau ; il pousse un gémissement , fré— mit d’une manière horrible , et porte à son visage ses mains furieuses ; ses yeux se présentent fixes et hagards, chacun d’eux s’offre de lui-même à la main qui le me- nace, et va au devant du supplice qu’il doit souffrir ; le malheureux plonge ardemment ses doigts forcenés dans leurs retraites , déracine à la fois les deux globes qu’elles renferment, et les retire tout sanglans. Sa main, déjà, ne fouille plus que le vide ; mais , toujours furieuse , s’y enfonce plus avant, et ravage encore l’intérieur de ces cavités profondes , ou la lumière n’a plus d’entrée. Il s’è— puise en vains transports, et prolonge inutilement son supplice : tant il a peur de voir encore le jour !

Enfin il lève la tête , et, de ses orbites sanglans et vi- des“,I parcourt l’éten due du ciel , pour éprouver cette nuit qu’il s’est faite. Il arrache tous les lambeaux de chair qui tiennent encore au siège de sa vue éteinte ; puis, fier d’un si beau triomphe, et s’adressant à tous les dieux : (c Épargnez, s’écrie-t-il , épargnez ma patrie ; j’ai accom- pli vos décrets ,je me suis puni de mes crimes. J’ai pu trou- ver enfin des ténèbres dont l’horreur égale celle de mon hymen. n Une pluie affreuse inonde son visage, et , de sa tête mutilée , le sang coule à grands flots par les veines que sa main a rompues.