Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/111

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reconnais la voix de ma mère ; ce que j’ai fait ne sert de rien. Nous ne pouvons plus rester ensemble : coupables tous deux, il faut mettre entre nous une vaste étendue de mers , il faut que des terres inconnues nous séparent, il faut qu’un de nous cherche un asile au revers de ce monde, sur un autre hémisphère, éclairé par des astres nouveaux et par un autre soleil.

JOCASTE.

Notre crime est celui du destin ; l’homme qu’il per- sécute n’est point coupable. j

ŒDIPE.

O ma mère l n’en dites pas, n’en écoutez pas davantage , je vous en conjure par ces tristes débris de mon corps mu- tilé, par les malheureux enfans que vous m’avez donnés, par tous les liens sacrés ou impies qui nous unissent.

JOCASTE.

O mon âme ! d’où vient cet engourdissementi Com- plice de ses crimes, pourquoi refuser d’en porter la peine ? Mon inceste a troublé les plus saintes lois et ou— trage tous les droits de la nature. Mourons donc , et que le fer m’arrache une vie abominable. Non, quand le maître des dieux lui—même , ébranlant l’univers , lance— rait contre moi tous les traits de sa main foudroyante , jamais l’expiation n’égalerait l’horreur de mes crimes , mère sacrilège que je suis. Je veux mourir, cherchons-en les moyens. Prête-moi ta main, mon fils, si tu es vrai- ment parricide, achève ton ouvrage : tire l’épée qui a verse le sang de mon époux. Mais pourquoi lui donner un nom qui n’est pas le sien il Laius est mon beau-père. Faut-il enfoncer le fer dans ma poitrine, ou le plonger