Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 2.pdf/17

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sentiment. Les restes sacrés des morts ne sont point ensevelis dans des tombes séparées ; on ne se contente de les brûler, et encore ne les brûle-t-on pas tout entiers. La terre manque pour les sépultures, et les forêts n’ont plus assez d’arbres pour les bûchers. Ni vœux, ni soins ne peuvent adoucir la violence du mal ; les médecins succombent, et le malade entraîne avec lui celui qui devrait le guérie. Prosterné au pied des autels, j’étends des mains suppliantes, pour demander qu’une mort prompte me fasse devancer la ruine de ma patrie, et m’épargne le malheur de périr le dernier, après avoir suivi le convoi de tout mon peuple. Dieux cruels ! destins impitoyables ! à moi seulement vous refusez la mort, si active à frapper tout autour de moi. Fuis donc, malheureux, ce royaume infecté par tes mains coupables ; dérobe-toi à ces larmes, à ces funérailles, à cet air empoisonné que tu portes partout sur tes pas. Fuis, hâte-toi de fuir, quand tu devrais ne trouver d’asile qu’auprès de tes parents.

JOCASTE.

Pourquoi, cher époux, aggraver nos malheurs par ces plaintes ? Il me semble qu’il est d’un roi de savoir supporter les disgrâces ; et que, plus un état faible et chancelant, plus le souverain doit s’affermir lui-même et faire effort pour en soutenir l’édifice ébranlé. Il n’est pas digne d’un homme de tourner le dos à la fortune ennemie.

ŒDIPE.

Je ne mérite pas ce reproche honteux de lâcheté ; la crainte n’a point d’entrée dans mon cœur. Je soutien-