Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/157

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Pourquoi infliger une peine horrible à de légers torts ? ne rendez de mal que ce que vous en avez souffert.

Déjanire

Crois-tu que ce soit peu de chose pour une femme légitime, de voir une rivale au lit de son époux ? il n’y a rien de léger dans ce qui peut nourrir une pareille douleur.

La Nourrice

N’avez-vous donc plus d’amour pour le grand Hercule ?

Déjanire

Au contraire, nourrice ; mon amour dure, il s’enracine au plus profond de mon cœur, et pénètre jusqu’à la moelle de mes os. Mais le plus cruel des tourments, c’est l’amour outragé.

la nourrice

Les secrets de la magie et la force des enchantements donnent aux femmes les moyens de resserrer les nœuds de l’union conjugale : moi-même j’ai rendu aux arbres leur verdure pendant la saison des frimas, et forcé la foudre à s’arrêter dans l’air ; j’ai soulevé la mer sans le secours des vents, et calmé les flots émus. A ma voix, des sources d’eau ont jailli d’une terre aride ; des rochers se sont ébranlés, des portes se sont brisées en éclats ; des ombres sont apparues, et les Mânes ont parlé. Le chien des enfers connaît ma puissance ; la mer, la terre, le ciel et l’enfer m’obéissent. J’ai fait briller le soleil dans l’ombre des nuits, et amené la nuit à la face du jour : les lois de la nature ne tiennent point contre mes enchantements. Je puis vous soumettre le cœur de