Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/165

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son âme, et s’infiltre invisiblement jusque dans la moelle de ses os.

La Nourrice

Je cours exécuter vos ordres, ma fille ; vous, pendant ce temps-là, adressez vos prières à l’invincible dieu qui, de ses faibles mains, lance des traits inévitables.

Déjanire

O toi qui fais trembler les hommes et les dieux, et la mer, et le puissant maître de la foudre, toi qui n’épargnes même pas ta mère, enfant ailé, j’invoque ta puissance : hâte-toi de prendre dans ton carquois la plus redoutable de tes flèches, parmi celles que tu n’as encore lancées contre personne. Ce n’est pas un trait léger qu’il te faut pour soumettre Alcide à ta puissance ; déploie toute la vigueur de tes bras, et ramène l’une vers l’autre les deux extrémités de ton are : prends, prends la flèche dont tu blessas autrefois Jupiter, quand il laissa tomber le tonnerre de ses mains, et que, des cornes soudaines se dressant sur son front, il fendit les flots orageux en emportant sur son dos la vierge d’Assyrie. Lance l’amour dans son cœur, et fais de lui l’exemple le plus mémorable de ta puissance : qu’il apprenne à aimer son épouse ; et si quelques feux se sont allumés dans son âme pour la belle iole, éteins-les entièrement et qu’il ne brûle que pour moi. Plus d’une fois tu as dompté le maître de la foudre, et le dieu qui règne sur le sombre empire, qui tient le Styx et la foule innombrable des morts sous sa puissance. Dieu d’amour, montre-toi plus terrible que la marâtre d’Hercule, triomphe de ce héros, et prends cette victoire à toi seul réservée.