Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/221

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dieux témoins autrefois de mon courage, et toi, terre, souffrirez-vous que la mort de votre Hercule soit ainsi perdue ? O honte ! ô désespoir ! ô trépas ignominieux ! on dira que ma mort est l’ouvrage d’une femme, après les ennemis que j’ai tués.

Si les arrêts inévitables du destin me condamnaient à périr de la main d’une femme, si telle devait être la fin déplorable de mes jours, je pouvais, hélas ! succomber sous la haine de Junon : c’eût été mourir de la main d’une femme, mais d’une femme habitante du ciel. Ou si cette faveur vous eût semblé trop grande, dieux de l’Olympe, il m’eût été doux au moins de mourir sous les coups de l’Amazone guerrière, née parmi les frimas de la Scythie. Quelle est la femme qui m’a vaincu, moi, l’ennemi de Junon ? Cette victoire est une honte pour toi, cruelle marâtre : pourquoi regarder ce jour comme un jour de triomphe ? La terre n’a pu fournir à ton courroux de monstre aussi puissant que cette femme, qui seule s’est montrée plus forte que ta haine. Jusqu’ici, tu pouvais souffrir d’avoir été vaincue par le seul Alcide, maintenant tu as trouvé deux vainqueurs. Que les dieux apprennent à rougir de leur courroux !

Plût au ciel que le monstre de Némée se fût abreuvé de mon sang ! Plût au ciel que j’eusse été la proie de l’hydre, qui m’entourait de ses cent gueules béantes ! Plût au ciel que je fusse tombé sous les coups des Centaures, ou que, vaincu dans le séjour des Ombres, j’eusse été enchaîné par des liens éternels à quelque rocher, lorsque j’étonnai le destin par ma victorieuse audace ! Des rives du Styx je suis remonté vers la lumière ; j’ai