Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/227

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d’une crête hideuse, ou de quelque monstre inconnu de moi ? as-tu été formé du sang de l’hydre de Lerne, ou si c’est le chien des enfers qui t’a laissé sur la terre ?

Tu es tout, et tu n’es rien : quelle est ta forme ? laisse-moi connaître au moins le fléau qui me tue. Quoi que tu sois, monstre ou fléau, tu n’oserais paraître à mes yeux. Qui t’a donné passage pour arriver jusqu’à mes entrailles ? ma main, écartant la peau, les a découvertes, mais je trouve encore une cavité plus profonde où tu es entré. O douleur aussi forte que moi-même !

Mais je pleure : des larmes sur mes joues ! des larmes (quelle honte !) se répandent sur ce visage autrefois inaltérable, et qui jamais ne se mouilla de pleurs versés sur mes propres maux. Quel jour, quelle contrée, ont jamais vu pleurer Hercule ? mes yeux sont demeurés secs dans toutes mes disgrâces. Toi seul, toi seul as vaincu ce courage fatal à tant de monstres ; le premier, tu m’as arraché des larmes. Ces yeux, plus durs que les rochers, plus durs que le fer, plus durs que les Symplégades errantes, ont perdu leur force et laissé tomber des pleurs. O souverain maître du monde ! la terre m’a vu pleurer et gémir, et ce qui est pour moi le plus grand des supplices, Junon a été témoin de cette faiblesse ! Le feu se rallume dans mes entrailles, et son ardeur augmente. O Jupiter ! un coup de foudre.

Le Chœur

Que ne peut l’excès de la douleur ! cet homme, plus dur que l’Emus, aussi inflexible que le pôle septentrional, ne résiste plus aux tourment ; qui le dévorent : sa tête appesantie s’incline et retombe sur ses épaules.