Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/31

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CLYTEMNESTRE.

Non, le ciel n’a point favorisé ce départ. C’est l’Aulide qui a vomi de ses ports leur flotte impie. Cette guerre, commencée sous de malheureux auspices, n’a pas eu un meilleur cours. Épris des charmes d’une captive, insensible aux larmes d’un père, il a gardé sous sa tente, comme une dépouille prise sur un dieu, la fille du prêtre d’Apollon, débutant ainsi dans son amour pour les vierges sacrées. Cette passion n’a cédé ni aux menaces de l’indomptable Achille, ni aux prédictions du devin qui seul embrasse de ses regards toute la vie humaine : tant ses prédictions vraies contre nous, l’étaient peu à l’égard des captives ; ni à cette peste qui dévorait l’armée, ni à la flamme sinistre des bûchers. Au milieu des désastres de la Grèce, il est là, immobile, vaincu sans avoir vu l’ennemi, il trouve du temps pour songer à ses amours, remplace une maîtresse par une autre ; et, pour avoir toujours dans sa couche quelque femme d’Asie, il se prend d’amour pour Briséis qu’il enlève à Achille, et ne rougit pas de l’arracher ainsi des bras de son époux. Voilà donc l’ennemi de Pâris ! Maintenant, blessé d’une nouvelle flèche de l’Amour, il s’est épris d’une passion furieuse pour la prophétesse de Troie, et après tant de combats, après la ruine d’Ilion, il revient l’époux d’une captive et gendre de Priam. — Allons, mon âme, prépare-toi ; la guerre que je médite n’est que trop juste : il faut frapper les premiers coups : pourquoi différer d’un seul jour ? attendrai-je qu’il ait mis le sceptre de Pélops aux mains d’une Phrygienne ? Qui pourrait t’arrêter ? seraient-ce tes filles, vierges encore dans ce