Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/341

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elle a mis doucement en vos mains le sceptre du monde, et soumis la terre et les mers à votre empire. La sombre envie s’est brisée contre l’amour unanime des Romains, et n’a plus rien osé contre vous. Les sénateurs et les chevaliers sont pour vous. Par les vœux du peuple et le choix du sénat, vous assurez la paix du monde, vous êtes le maître suprême des humains, vous portez le nom sacré de Père de la patrie ; Rome demande que vous gardiez toujours ce beau nom, et met ses enfants sous votre sauve-garde.

NÉRON.

C’est à la faveur des dieux seulement que je dois l’obéissance de Rome et celle du sénat, et ce respect timide, ces vœux contraints que la terreur inspire. Laisser la vie à des citoyens fiers de leur noble origine, et aussi dangereux pour leur prince que pour leur patrie ! quelle folie à moi, quand je puis d’un mot les anéantir et me tirer d’inquiétude ! Brutus arma ses mains coupables contre le vainqueur à qui il devait la vie : le grand César, ce guerrier invincible, ce conquérant que la gloire égalait à Jupiter lui-même, a péri sous le glaive impie des Romains.

Quels flots de sang coulèrent alors dans Rome si souvent déchirée ! Que de citoyens nobles, jeunes et vieux, dispersés par le monde, et que la terreur chassait de leurs maisons pour éviter le fer des triumvirs et leurs tables funestes, périrent par les ordres du divin Auguste, qui a pourtant mérité le ciel par ses douces vertus ! que d’exécutions terribles ! Les sénateurs voyaient avec douleur les plus nobles têtes attachées à la tribune aux ha-