Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/353

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ACTE TROISIÈME.


SCÈNE I.

AGRIPPINE.

J’ai percé le sein de la terre, et j’arrive du séjour des Ombres. Ma main sanglante porte la torche infernale qui doit éclairer ce coupable hymen. Je veux que ce flambeau préside à l’union de Poppée et de mon fils, et mon bras vengeur, mon ressentiment maternel en allumeront le bûcher qui les doit consumer tous deux.

Dans les enfers même, le crime affreux qui m’ôta la vie est toujours présent à ma mémoire. Le vaisseau perfide dont il paya mes bienfaits ; cette nuit fatale qu’il me donna en échange de l’empire, et pendant laquelle je pleurai mon naufrage, pèse cruellement à mes mânes demeurés encore sans vengeance. Je voulais déplorer le malheur de mes compagnons, et le crime horrible de mon fils : mais il ne m’en laissa pas le temps ; il couronna son forfait par un autre plus grand. A peine retirée des flots, un glaive perça mon sein, et mon âme irritée s’échappa de mon corps par une large blessure, au milieu de mon palais.