Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/355

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Mon sang même n’a pas éteint la haine de mon fils ; ce cruel tyran s’acharne encore sur le nom de sa mère : il veut effacer la mémoire de mes bienfaits. Ses ordres sanglans font tomber mes statues et les monuments de ma gloire dans toute l’étendue de l’univers, que mon aveugle tendresse a soumis pour mon malheur à ce fils dénaturé.

Mon époux assassiné me poursuit de sa colère, il lance des feux contre ma tête coupable, il me presse, il me menace, me reproche sa mort, et demande vengeance du trépas de son fils. Attends un moment, Claudius, et tu l’auras. La terrible Érinnys prépare à ce monstre une fin digne de lui ; des blessures, une fuite honteuse et des châtimens plus cruels que la soif de Tantale, que le rocher de Sisyphe, que le vautour de Tityus, et que la roue qui, dans son branle rapide, meurtrit les membres d’Ixion. Qu’il bâtisse des palais de marbre, que l’or brille à ses riches lambris, que des cohortes en armes veillent à la porte de sa riche demeure, que l’univers s’épuise à le combler de richesses, que les Parthes baisent à genoux sa main sanglante, et lui livrent leurs trésors et leurs provinces ; le temps vient où on le verra payer ses crimes de sa coupable tête, présenter la gorge au glaive de ses bourreaux, abandonné de tous, anéanti, privé de secours.

Voilà donc le fruit de mes peines, et le terme de tous mes vœux ! O mon fils ! où t’a conduit ta fureur aveugle et ta cruelle destinée ? fallait-il en venir à ce point que ta mère elle-même, assassinée par toi, se voie enfin désar-