Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/65

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La mer bouillonne entre ces roches, et les vagues écument dans un flux et reflux perpétuel. Au dessus de la montagne est une citadelle escarpée qui regarde les deux mers ; d’un côté, c’est le royaume de votre aïeul Pélops, et l’Isthme qui, se recourbant sur une terre étroite, ferme à la mer d’Hellé l’entrée de la mer Ionienne ; de l’autre, c’est Lemnos immortalisée par le crime, et Chalcis, et l’Aulide qui retient les vaisseaux dans ses ports. Cette forteresse est occupée par le père de Palamède : d’une main perfide il allume au sommet de ses tours des feux éclatans qui conduisent nos vaisseaux contre les rochers ; ils s’accrochent à leurs pointes aiguës ; le défaut d’eau fait qu’ils se brisent contre les récifs. L’un a sa proue à flot, et sa poupe sur un roc ; à peine il se dé- tache, qu’un autre vient le heurter par derrière, et le brise en se brisant lui-même ; dans ce cruel malheur, nous craignons le rivage et nous préférons la mer. Enfin la tempête se calme au retour de la lumière ; Troie était vengée, le soleil reparaît, et le jour découvre à nos yeux attristés les ravages de la nuit.

CLYTEMNESTRE.

Faut-il m’affliger ou me réjouir du retour de mon époux ? Je m’en réjouis ; mais je ne puis me défendre de pleurer sur tant de malheurs. Dieu puissant qui portes la foudre, apaise enfin envers nous les divinités du ciel !

Cependant, que nos fronts se parent de couronnes de fleurs. Que la flûte sacrée fasse entendre de joyeux sons, et qu’une blanche victime soit immolée au pied des autels. Mais voici venir la foule plaintive et échevelée des