Page:Sénèque - Tragédies, trad. Greslou, 1834, t. 3.pdf/95

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dra-t-il la vie de l’époux légitime ? L’arrêt du destin va s’exécuter ; la fin de ce repas verra le sang du maître couler avec le vin. Un vêtement perfide le livre sans défense à la mort : ses mains captives ne peuvent sortir, sa tête est enfermée dans des plis larges et sans issue. Le vil Égisthe lui porte un coup d’épée dans le flanc, sa main tremble, il se trouble lui-même, et le fer n’entre qu’à moitié dans la blessure. Comme on voit dans les forêts un sanglier furieux s’agiter pour rompre les filets qui l’entourent, et en resserrer l’étreinte par ses vains efforts ; ainsi le roi cherche à déchirer ces plis flottans et inextricables qui l’enferment de tous côtés ; il s’agite en ses liens pour trouver son ennemi. Clytemnestre, furieuse, arme ses mains d’une hache, et pareille au sacrificateur qui, avant d’immoler un taureau devant les autels, cherche des yeux la place où il doit frapper, elle balance, pour mieux l’assurer, sa main impie. — Elle a frappé : c’en est fait. La tête tient encore par un lambeau de chair ; d’un côté le sang s’échappe du corps avec violence, de l’autre le chef coupé s’agite convulsivement. Mais les assassins ne se retirent pas encore : Égisthe s’acharne sur le cadavre et le déchire ; sa complice le seconde. Chacun d’eux, par ses crimes, se rend digne de sa race. L’un est fils de Thyeste, l’autre est sœur d’Hélène. Le Soleil s’arrête au bout de sa course, incertain s’il doit poursuivre ou se retourner comme il a fait pour le festin d’Atrée.