Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 2.djvu/141

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a aussi différence et ressemblance ; c’est un second degré :
passez aux espèces analogues, c’est un troisième degré.
Ces différences s’étendent avec les classes et les règnes,
dans une progression frappante. Ces nuances sont multipliées
par la diversité des climats, par l’habitation dans
les eaux ou dans l’air libre, par d’autres causes connues
et inconnues ; mais ce ne sont toujours que des nuances.

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Les grands changemens sont réservés pour distinguer | les
globes. La lune, qui n’a point d’atmosphère visible, nourrit
des êtres dont notre imagination même ne peut
supposer les moyens de vie. Tous ceux de la terre comparés
à ceux-là, l’éléphant ou la mouche, et même le cèdre et
le serpent ; tous nous paroîtroient d’une même famille.
C’est déjà une perception du monde sans limites. Mais
jetons-nous plus avant dans ces profondeurs. Cette lune
est trop voisine ; elle touche à la terre, elle lui paroît
soumise. Ce qui vit là et ce qui vit ici, sont trop
semblables : je cherche quelque chose de plus vaste dans
l’œuvre sans bornes. Cérès on Mercure portent des êtres
vivans dont la physionomie m’est plus nouvelle ; mais ce
n’est toujours qu’une même famille, où, chacun végétant
à sa manière, et pourtant en commun, sur des globes
semblables, est éclairé par la même lumière. Quittons ce
soleil qui donne une teinte uniforme à tout ce qu’il
échauffe, et voyons d’autres planètes animées par d’autres
astres : c’est ici que commence la chaîne des oppositions
du monde. Ces astres qui sont groupés eux-mêmes, ont
aussi des caractères qui les distinguent : ils sont aussi
partagés en familles, en classes, en genres ; et ces mondes
innombrables ne sont qu’une portion de la nature, qui
n’a peut-être dans ses autres parties ni astres, ni globes,
rien de lumineux pour nos organes, rien de vivant de
notre vie. Dès long-temps l’imagination même nous a