Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 2.djvu/120

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en commun, et qui n’apportent dans la réunion que les
affections indépendantes de l’homme solitaire, ou les
passions irréfléchies de l’homme irrité par son semblable.
Plus que nous affamés de vengeances, comme nous
dupes de l’imposture, et empressés pour des jouets, ivres
de leurs liqueurs ou des nôtres, ils sont aussi loin de nous
donner de dignes exemples de réforme, que nous le
sommes nous-mêmes de leur montrer un modèle à suivre.
Les peuples très-civilisés sont asservis par l’intérêt du
pouvoir qui les fait pulluler. Chaque homme y a des

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besoins sans nombre à satisfaire et | des rivalités sans
nombre à soutenir, la vie n’y a jamais d’ensemble, ni
d’unité, l’on y est toujours occupé des autres temps, des
autres hommes, des autres choses : ces peuples
ressemblent à une effroyable multitude d’enfans spirituels,
mais mal disciplinés qui mettroient leur honneur à faire
tous le plus de bruit possible 7.
Dans l’enchaînement mutuel des intérêts, l’ame oublie
d’être libre. La vie est embarrassée dans ces liens mobiles
qui semblent se multiplier quand on fait effort pour en
sortir : c’est une contrainte interminable. Telle n’étoit
pas la véritable dépendance sociale. La… …consiste
(B. XIV, 39) à n’obéir… …une volonté motivée
(Ibid., 40-45). Ainsi une vie libre est… …le plus
(Ibid., 46-48) de bonheur. La vraie liberté,… …à
notre nature (Ibid., 51-53). Mais cet état doit avoir de
la constance : car les besoins de notre nature sont
toujours à peu près semblables ; ce qu’ils peuvent éprouver
de changemens, dépend surtout de l’âge, s’opère lentement,
et doit être prévu par les lois. La liberté
s’accorde… …et des impulsions (Ibid., 59-61) du
caractère, elle se restreint sans peine dans les bornes que lui
prescrivent les véritables interêts de tous : mais il est