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- l’harmonie universelle. Principe infini d’ordre et d’existence,
- Dieu ou Vérité ! seroit-ce étant homme, que je
- rentrerois sous le voile qui couvre les organes débiles de
- l’enfance et de la brute ; ou seroit-ce en voyant, que je
- m’efforcerois de ne point voir ? Me dirois-je, voilà le jour,
- et je veux croire à la nuit ? La vie n’est que ténèbres, et
- ténèbres profondes : on peut errer par foiblesse ou par
- fatigue ; mais dès que l’on voit, il faut marcher au but ;
- le but, c’est la justice, la lumière. Voir le vrai, et le nier,
- voir le juste, et s’y refuser ; il me semble que c’est une
- démence plus qu’humaine. Et aux approches du tombeau,
- quand les distractions cessent, et qu’il n’y a plus de temps
- pour les recherches, quelle accablante douleur ce doit être,
- d’avoir soi-même livré sa vie à la mort, d’avoir étouffé
- parmi les ombres terrestres ce feu de vérité, qui nous rendoit
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- vivans devant l’être, et qui | devoit nous animer jusqu’à
- l’instant de ruine inévitable et de conséquences
- ignorées.
- La mort est présente, elle nous touche, elle est partout ;
- et elle y est toujours ; nos arts n’existent que par elle, et
- nos joies la multiplient. Soumis à la mort, nous avons un
- instant de vie, pour être les agens de la mort ; nos pieds
- foulent ses victimes, notre aspiration les engloutit, et
- mille squelettes forment le sceau de nos épîtres brûlantes
- des passions de la vie. Au moment où nous bégayons
- Éternité, nous sommes vêtus de débris, nourris de débris,
- assis sur des débris, et cette main qui veut montrer un séjour
- immortel, s’élève pour bénir ceux qui vont hâter la mort
- dans les batailles. Sur nos champs fécondés par des morts,
- s’élèvent nos palais bâtis par des morts, et nos monumens
- dessinés par des morts. Des morts ont écrit nos annales,
- ils ont préparé nos grandeurs, ils ont instruit notre orgueil
- et c’est de notre propre mort que nous attendons