Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 2.djvu/176

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faire tout auteur discret, ou pour se faire un nom et un
revenu, comme les auteurs qu’on approuve.
Ce tort si grave, et par lequel aujourd’hui l’on voudroit
éclipser toute sa gloire, sera examiné plus loin. Quant au
premier de ces reproches, j’observerai que Voltaire ne

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pouvoit pas éviter facilement | comme Racine, de tomber
dans un tel inconvénient.
Racine, en écrivant pour la scène, ne voyoit que sa
pièce, il lui suffisoit qu’elle réussît, qu’elle fût belle, que
la critique fût presque réduite au silence. Mais Voltaire
avoit senti qu’il influeroit sur l’opinion. Il luttoit tous les
jours contre l’erreur prêchée tous les jours ; il vouloit
opposer l’évidence de la raison, à la continuité des
manœuvres et des ruses de l’intérêt, de l’imposture, de
l’iniquité ; il vouloit opposer au goût que les hommes ont pris
pour leurs habitudes et leurs manies, le besoin qu’ils ont
encore de la vérité. Voltaire vouloit réunir sur la scène,
le personnage et l’homme en général ; il lui étoit plus
difficile d’en rendre fidélement les traits. Une critique
impartiale, chercheroit à voir dans des cas semblables, le
motif des défauts qu’elle doit relever ; l’existence de ce
motif peut laisser subsister la faute, mais non l’inadvertance.
Dans les ouvrages de l’esprit, une faute est moins
grande, quand elle est connue de celui qui la fait, quand
elle est volontaire en quelque sorte. Racine peignoit le
masque individuel ; Voltaire vouloit que sous le masque
on entrevît l’homme. Il en résulte inévitablement, que les
couleurs du masque, en conservant la transparence sans
perdre la force, manquent de vérité dans quelques-unes
de leurs nuances. L’intention morale ne se trouve que par

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hasard dans les pièces de Ra|cine, ce mérite essentiel
caractérise celles de Voltaire……………………………
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