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- seul peut juger avec sincérité et justesse, ait eu le temps
- de donner la véritable impulsion, celle qui sera toujours
- suivie. Souvent ce temps est long ; si l’on veut écouter
- auparavant les discoureurs et les critiques, il sera impossible
- de concilier leurs satires et leurs suffrages ; l’un
- siffle avec passion, ce que l’autre exalte avec enthousiasme.
- Le plus beau livre, abandonné à l’ineptie des
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- éloges | les plus gauches, ou des sarcasmes les plus
- injustes, devient indifférent au public. Fatigué de ces
- extrêmes, et ne pouvant apprendre si l’auteur est le premier
- ou le dernier des écrivains, on renonce à la curiosité
- d’en décider ; ne parvenant pas à savoir ce qui mérite
- d’être lu, on prend avec raison le parti de ne plus lire.
- Les prétendus connoisseurs, les faiseurs subalternes,
- tous ceux qui croyent être ou devenir des rivaux, ont
- peine à découvrir les grands hommes ; on diroit qu’il
- leur en coûte de les deviner. Si surtout il les voyent de
- trop près, ils se refusent à les avouer tels, tant ils
- craignent de se trouver petits devant eux. Chacun de
- nous ne voit sur la terre que lui-même comme un être à
- part, et tous les autres hommes comme à-peu-près semblables
- entre eux. Nous ne voulons en distinguer aucun
- sans y être forcés. Si l’évidence nous fait enfin reconnoître
- un génie supérieur, si sa renommée favorisée par
- quelque hasard, s’élève au loin, si elle revient jusqu’à
- nous en s’étendant, alors portés par les mêmes causes, à
- l’excès opposé, nous le faisons si grand, que nous pensons
- en séparer par-là tout le reste des hommes, afin que du
- moins ce qui nous entoure nous console d’être vulgaires,
- en restant vulgaire comme nous [1]. |
- ↑ « J’ai vu Descartes, disoit un de ces Savans qui n’admirent que l’antiquité, je l’ai connu, je l’ai entretenu plusieurs fois, c’étoit un