Page:Sénancour - Rêverie sur la nature primitive de l’homme, tome 2.djvu/188

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mais pour tout conduire et tout protéger. Quant à son
successeur, il laissa faire, et trouvant que déjà les choses
alloient, il ne jugea pas qu’elles dussent aller par lui. La
vieillesse de Louis XIV avoit négligé de soutenir l’action
du gouvernement, Louis XV ne la ranima pas et c’est

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pendant cette négligence fatale à tous | les ordres de
l’état, que cette littérature qu’on dénigre, s’enrichit des
nouveaux développemens de la raison, en conservant la
fécondité du génie. Mais pourquoi voyons-nous calomnier
avec persévérance ce dix-huitième siècle, qui acheva
d’assurer aux François seuls entre les modernes et entre
tous les peuples, le premier rang où s’étoient soutenus
jusqu’alors un peuple rival et deux peuples anciens ?
Comment l’esprit de justesse et d’analyse déplaît-il si fort
au commun des hommes ? Pourquoi des gens de goût le
repoussent-ils avec un acharnement plus passionné, plus
haineux que le simple entêtement du vulgaire ? Ne seroit-ce
point que cette recherche de la vérité interrompt le
cours des idées reçues, qu’elle chasse les songes où la
paresse avoit placé son repos, et qu’elle dérange l’attitude
où l’on se trouvoit endormi ? Plus le sommeil étoit pesant,
plus le réveil paroît incommode. Ainsi, lorsqu’un rêve
bien suivi, nous entraîne dans une série d’images, et nous
intéresse par l’attente d’un résultat, si quelque voix sage,
nous avertissant de l’heure, nous rappelle à nos intérêts,
aux plus importantes de nos affaires, à nos projets les
plus séduisans, ce n’est d’abord qu’une voix importune,
qui interrompt cette existence trompeuse dans laquelle
nous avions oublié l’existence réelle [1]. |
  1. « J’imagine, en de pareils momens, un de cet oiseaux assez stupides
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    d’ailleurs, mais en qui nous avons découvert le singu|lier talent
    d’imitation des sons de la voix humaine. Le docile animal se met à crier, Ren-