Cette page n’a pas encore été corrigée
VINGT-NEUVIÈME RÊVERIE
a vertu est un effort sur soi-même : c’est le courage de- la volonté armée contre le désir ; c’est le triomphe de
- l’intérêt durable sur l’intérêt momentané ; c’est l’émotion
- vaincue par la réflexion. La vertu sacrifie le but présent
- au but permanent, les volontés du cœur à celles de la
- tête, les affections de l’individu comme être isolé, à ses
- déterminations comme membre social ; elle soumet les
- appétits de l’être sensible, aux desseins de l’être intelligent,
- et les fins personnelles aux fins générales. La vertu
- est un résultat des vues étendues et du sentiment de
- l’ordre : si l’homme pouvoit tout connoître, sa vertu
[175]
- s’étendroit à des rapports infinis, | elle iroit jusqu’à
- sacrifier les convenances humaines aux convenances de
- l’ordre universel.
- Comme la pratique de la vertu est une continuelle apparence
- de sacrifice, les hommes que toutes les apparences
- abusent, et qui s’égarent partout à la poursuite du simulacre
- des choses, ont appelé vertueux tout ce qui leur
- paroissoit pénible, et respectable tout ce qui s’éloignoit
- des goûts naturels.
- Égarés ainsi par le sentiment de l’ordre même, nous
- sommes trop portés à voir notre fin hors de nous. Nous
- cherchons notre grandeur dans la prolongation du bruit
- que nous faisons ; et nous préférons à la vie réelle cette
- action vague que nous croyons exercer dans des lieux que
- nous ne voyons pas, et dans des temps où nous ne serons
- point.
[176]
- Le cœur de l’homme… | …à leur crédulité. (Ob.
- LI, 26-41).