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vous voudriez que je n’eusse jamais fait d’autre histoire que celle de notre maison ; et ensuite du chagrin que vous témoignez du mélange des noms de Rabutin et de Duval, vous me dites que vous auriez eu une grande joie si j’avois voulu faire de mon nom tout ce qui étoit en mon pouvoir. Je n’ai que deux mots à vous dire là-dessus, sans entrer avec vous dans le détail de ma justification. Ou je suis coupable et me suis attiré ma mauvaise fortune, ou seulement malheureux. Si c’est celui-ci, vous êtes injuste de me rien reprocher ; et si je suis coupable, il est malhonnête à vous dans tous les temps de me le dire, mais particulièrement quand je suis accablé de persécutions.

Personne que vous ne me parle ainsi, et si mes ennemis le disent en quelque lieu, je suis assuré qu’ils ne le pensent pas.

Je vois bien que c’est le départ de Mme de Grignan qui vous met en méchante humeur ; mais je remarque que vous avez à point nommé, quand vous m’écrivez, des occasions de picoterie dont je me passerois fort bien. Regardez s’il vous seroit agréable que je vous redisse souvent que si vous aviez voulu, on n’auroit pas dit de vous et du surintendant Foucquet les sottises qui s’en dirent après qu’il fut arrêté. Je ne les ai jamais crues, mais aussi je ne vous ai pas donné le chagrin de les entendre. Je vous prie donc, ma chère cousine, d’avoir les mêmes égards pour moi que j’ai pour vous ; car quoique je ne puisse jamais m’empêcher de vous aimer, je n’aimerois pas que toute notre vie se passât en reproches, et en éclaircissements : c’est tout ce que nous pourrions faire, s’il y avoit de l’amour sur le jeu.

L’aventure de notre cousin n’est ni belle ni laide : la maîtresse lui fait honneur, et le rival de la honte.