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avez encore quelque bourrasque à essuyer de votre bile, vous obteniez d’elle d’attendre que ma fille soit accouchée. Elle se plaint encore tous les jours de ce qu’on l’a retenue ici, et dit tout sérieusement que cela est bien cruel de l’avoir séparée de vous. Il semble que ce soit par plaisir que nous vous ayons mis à deux cents lieues d’elle. Je vous prie sur cela de calmer son esprit, et de lui témoigner la joie que vous avez d’espérer qu’elle accouchera heureusement ici. Rien n’étoit plus impossible que de l’emmener dans l’état où elle étoit ; et rien ne sera si bon pour sa santé, et même pour sa réputation, que d’y accoucher au milieu de ce qu’il y a de plus habile, et d’y être demeurée avec la conduite qu’elle a. Si elle vouloit après cela devenir folle et coquette, elle le seroit plus d’un an avant qu’on le pût croire, tant elle a donné bonne opinion de sa sagesse. Je prends à témoin tous les Grignans qui sont ici, de la vérité de tout ce que je dis. La joie que j’en ai a bien du rapport à vous ; car je vous aime de tout mon cœur, et suis ravie que la suite ait si bien justifié votre goût. Je ne vous dis aucune nouvelle ; ce seroit aller sur les droits de ma fille. Je vous conjure seulement de croire qu’on ne peut s’intéresser plus tendrement que je fais à ce qui vous touche.


113. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ
AU COMTE DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 15e août.

Si je vous écris souvent, vous n’avez pas oublié que c’est à condition que vous ne me ferez point de réponse ; et dans cette confiance, je vous dirai que je me réjouis de tous les honneurs dont vous êtes accablé. Il me paroît