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pâle ces jours passés. Je trouvai que jamais les tetons de sa nourrice ne s’enfuyoient ; la fantaisie me prit de croire qu’elle n’avoit pas assez de lait. J’envoyai querir Pecquet, qui trouva que j’étois fort habile, et me dit qu’il falloit voir encore quelques jours. Il revint au bout de deux ou trois ; il trouva que la petite diminuoit. Je vais chez Mme du Puy-du-Fou ; elle vient ici, elle trouve la même chose ; mais parce qu’elle ne conclut jamais, elle disoit qu’il falloit voir. « Et quoi voir, lui dis-je, Madame ? » Je trouve par hasard une femme de Sucy[1] qui me dit qu’elle connoissoit une nourrice admirable : je l’ai fait venir ; ce fut samedi. Dimanche, j’allai chez Mme de Bournonville[2], lui dire le déplaisir que j’avois d’être obligée de lui rendre sa jolie nourrice. M. Pecquet étoit avec moi, qui dit l’état de l’enfant. L’après-dînée, une demoiselle de Mme de Bournonville vint au logis, et sans rien dire du sujet de sa venue, elle prie la nourrice de venir faire un tour[3] chez Mme de Bournonville. Elle y va, on l’emmène le soir. On lui dit qu’elle ne retourneroit plus ; elle se désespère. Le lendemain, je lui envoie dix louis d’or pour quatre mois et demi. Voilà qui est fait. Je fus chez Mme du Puy-du-Fou, qui m’approuva ; et pour la petite, je la mis dès dimanche entre les mains de l’autre nourrice. Ce fut un plaisir de la voir teter ; elle n’avoit jamais teté de cette sorte. Sa nourrice avoit peu de lait ; celle-ci en a comme une vache. C’est une bonne paysanne,

  1. ↑ 6. En Brie, à quatre lieues de Paris, arrondissement de Corbeil. C’est le village où Mme de Sévigné avait passé « sa belle jeunesse : » lettre du 22 juillet 1676. — Voyez la Notice, p. 21 et 22.
  2. ↑ 7. Ambroise, duc de Bournonville, épousa en 1655 Lucrèce de la Vieuville. Il fut chevalier d’honneur de la reine Anne, et gouverneur de Paris en 1657, démissionnaire en mai 1662. Leur fille unique épousa le 13 août 1671 Anne-Jules, duc de Noailles en 1678.
  3. ↑ 8. Le verbe faire n’est pas dans le manuscrit : il y a seulement de venir un tour.
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