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de très-beaux airs, en attendant des motets. N’abandonnez point votre voix, n’abandonnez point votre taille ; enfin ne cessez point d’être aimable, puisque vous êtes aimé.


114. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ ET D’EMMANUEL DE COULANGES[1] AU COMTE DE GRIGNAN.

À Paris, vendredi 12e septembre.
DE MADAME DE SÉVIGNÉ

Ce n’est point pour entretenir un commerce avec vous : j’en ferois scrupule, sachant de quelle sorte vous êtes accablé de celui de Mme de Grignan. Je vous plains d’avoir à lire de si grandes lettres : je n’ai jamais rien vu de si vif, et je crois que pour en être délivré vous voudriez qu’elle fût avec vous : voilà où vous réduit son importunité. Elle est présentement séparée de nous au coin de sa chambre, avec une petite table et une écritoire à part, ne trouvant pas que M. de Coulanges et moi, nous soyons dignes d’approcher d’elle. Elle a été au désespoir que vous m’ayez écrit : je n’ai jamais vu une femme si jalouse ni si envieuse. Elle a beau faire, je la défie d’empêcher notre amitié. Vous avez une grande part aux soins que j’ai de sa santé ; et quand je songe au plaisir que vous aurez d’avoir une femme et un enfant gais et gaillards, je redouble toute l’application que j’ai à vous donner cette joie. J’espère que tout ira bien ; il nous semble même que depuis quelques jours cet enfant est devenu un garçon. Adieu, mon très-cher ; je vous défends de m’é-

  1. LETTRE 114. — 1. Philippe-Emmanuel de Coulanges, cousin germain de Mme de Sévigné. Voyez la Notice, p. 139 et suivantes, et la Généalogie, p. 344.