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contre les bonnes mœurs ; je me suis jetée dans le taffetas blanc. Ma dépense est petite : je méprise la Bretagne, et n’en veux faire que pour la Provence, pour soutenir la dignité de merveille entre deux âges, où vous m’avez élevée.

Mme de Ludres me dit l’autre jour des merveilles à Saint-Germain ; il n’y avoit nulle distraction ; elle vous aime aussi : Ah ! pour matame te Grignan, elle est atorable. Mme de Beringhen[1] étoit justement auprès de Ludres, qui l’effaçoit un peu ; c’est quelque chose d’extraordinaire à mes yeux que sa face. Brancas me conta une affaire que M. de Grignan eut cet hiver avec M. le Premier : « Je suis pour Grignan, j’ai vu leurs plaisantes mais inlisibles lettres. » Il m’en a dit des morceaux, nous devons prendre un jour pour les lire tout entières.

Votre enfant est aimable ; elle a une nourrice parfaite ; elle devient fort bien fontaine : fontaine de lait, ce n’est pas fontaine de cristal.

M. de Salins[2] a chassé un portier : je ne sais ce qu’on dit ; on parle de manteau gris, de quatre heures du matin, de coups de plats d’épée, et l’on se tait du reste[3] ; on parle d’un certain apôtre qui en fait d’autres ; enfin je n’en dis rien : on ne m’accusera pas de parler ; pour moi,

  1. 3. Anne du Blé, belle-sœur de la marquise d’Uxelles, mariée en 1646 à Henri de Beringhen, premier écuyer du Roi, qu’on appelait Monsieur le Premier ; morte le 8 juin 1676. Son mari avait acheté sa charge du père de Saint-Simon en 1645 ; il fut chevalier de l’Ordre en 1661 ; il mourut le 30 mars 1692. L’une des sœurs de Beringhen fut mère de la comtesse d’Aunoy.
  2. 4. On lit ce nom dans les éditions de 1726 et 1734. Il a été supprimé dans les éditions postérieures. C’est Garnier de Salins, frère de Suzanne Garnier, femme de Charles comte de Brancas. Mathieu Garnier, leur père, fut trésorier des parties casuelles, puis conseiller au grand conseil.
  3. 5. Allusion au vers de Corneille, dans Cinna, acte IV, scène v :

    On parle d’eaux, de Tibre, et l’on se tait du reste.