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l’a méritée ; mon pauvre Seigneur, j’en suis fâchée, mais c’est bien employé.

Je remercie M. de Grignan d’avoir soin de son adresse et de sa belle taille. Je vous trouve fort jolie de vous être levée si matin pour le voir tirer vos lapins.

Le soleil se hâtant pour la gloire des cieux
Vint opposer sa flamme à l’éclat de vos yeux,
Et prit tous les rayons dont l’Olympe se dore[1].

Ce qui m’embarrasse pour la fin du sonnet, c’est que le soleil fut pris pour l’Aurore, et qu’il me semble que vous ne fûtes simplement que l’Aurore, et qu’aussitôt qu’il eut pris tous ses rayons vous lui quittâtes la place, et vous allâtes vous coucher. Je vous assure au moins, ma bonne, qu’il n’eut pas l’avantage de vous gâter votre beau teint ; il ne demanderoit pas mieux, de l’humeur dont il est en Provence. C’est à vous à vous en défendre : je vous en conjure pour l’amour de moi qui aime si chèrement votre personne aussi bien que tout le reste.

Je trouve, ma chère bonne, qu’il s’en faut beaucoup que vous soyez en solitude : je me réjouis de tous ceux qui vous peuvent divertir. Vous aurez bientôt Mme de Rochebonne[2]. Mandez-moi toujours ce que vous aurez.

  1. 4. C’est le premier tercet d’un sonnet de Voiture. Mme de Sévigné a remplacé ses yeux par vos yeux. Voici quel est le second tercet, qui explique très-bien la phrase suivante de la lettre :

         L’onde, la terre et l’air s’allumoient à l’entour ;
         Mais auprès de Philis on le prit pour l’Aurore,
         Et l’on crut que Philis étoit l’astre du jour.

  2. 5. Thérèse, sœur du comte de Grignan, mariée le 22 octobre 1668 à Charles de Châteauneuf, comte de Rochebonne, vicomte d’Oing, commandant pour le Roi dans les provinces de Lyonnais, Forez et Beaujolais ; auparavant colonel du régiment de la Reine. Voyez la lettre du 27 juillet 1672.