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pour faire avaler le soufflet, les a fait rire à mourir. La Murinette vous approuve fort, et jure que la première fois qu’elle viendra lui parler dans le nez, comme elle fait toujours, elle vous imitera, et lui donnera sur sa vilaine joue. Je les attends tout présentement. Pomenars tiendra bien sa place ; Mlle du Plessis viendra aussi, et ils me montreront une lettre de Paris faite à plaisir, où on mandera cinq ou six soufflets donnés entre femmes, afin d’autoriser ceux qu’on lui veut donner aux états, et même les y faire souhaiter afin d’être à la mode. Enfin je n’ai jamais vu un homme si fou que Pomenars[1] : sa gaieté augmente en même temps que ses affaires criminelles ; s’il lui en vient encore une, il mourra de joie. Je suis chargée de mille compliments pour vous ; nous vous avons célébrée à tout moment. Mme de Chaulnes dit qu’elle vous souhaiteroit une Mme de Sévigné en Provence, comme celle qu’elle a trouvée en Bretagne : c’est cela qui rend son gouvernement beau ; car quelle autre chose pourroit-ce être ? Quand son mari sera venu, je la remettrai entre ses mains, et ne me mettrai plus en peine de son divertissement ; mais vous, ma bonne, mon Dieu ! que je vous plains avec votre tante d’Harcourt[2] ! quelle crainte ! quel embarras !

  1. 2. Gentilhomme breton, dont on a dit qu’il avait eu un procès pour fausse monnoie, et qu’ayant été justifié, il paya les épices de son arrêt en fausses espèces. (Note de Perrin.) — Il ne semble pas qu’il faille prendre plus au sérieux que n’a fait Mme de Sévigné, toutes les grosses accusations qui pesaient sur le marquis de Pomenars : elle n’en parle qu’en exagérant à plaisir, sur un ton enjoué et qui témoigne d’une véritable sympathie pour l’auteur de tant de méfaits. Pomenars fait quitter la place au premier président et au procureur général ; il va souper et coucher chez le juge qui le condamne. C’est la duchesse de Chaulnes qui l’amène aux Rochers ; c’est encore elle qui donne à Mme de Sévigné l’exemple de l’aller voir à Paris. Voyez les lettres des 7 juin, 28 et 29 juillet, 19 août, 11 novembre 1671, et surtout du 12 janvier 1680.
  2. 3. Voyez la note 12 de la lettre 140.