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pour me faire prendre un chemin dans l’air ; celui de terre devient si épouvantable, que je crains quelquefois que nous ne soyons assiégés ici par les eaux. Il est vrai qu’après vous avoir vue partir pour la Provence au milieu des abîmes, il faut croire qu’il n’y a rien d’impossible.

Mais je reviens à votre histoire. Je m’étois moquée de celle de la Mousse ; mais je ne me moque pas de celle-ci : vous me l’avez très-bien contée, et si bien que j’en frissonnois en la lisant, le cœur m’en battoit ; en vérité, c’est la plus étrange chose du monde. Cet Auger enfin, c’est un garçon que j’ai vu, à qui je parlerai, et qui conte cela tout naïvement ; je crois qu’on ne peut rien voir de plus positif ; c’est un sylphe assurément. Après la promesse que vous faites, je ne doute pas qu’il n’y ait presse à qui vous portera ici ; la récompense est digne d’être bien disputée ; et si je ne vous vois arriver, je croirai que cela viendra de la guerre que cette préférence aura émue entre eux. Cette guerre sera bien fondée, et si les sylphes pouvoient périr, ils ne le pourroient faire dans une plus belle occasion. Enfin, ma chère fille, je vous remercie mille fois de m’avoir si bien conté cette histoire d’original : c’est la première de cette nature dont je voudrois répondre.

Je trouve plaisants les miracles de votre solitaire ; j’en doute fort, puisqu’il les croit ; et M. de Grignan a grande raison de l’aller prêcher de temps en temps. Sa vanité


    semait les campagnes de farfadets et de petits nains tout noirs, appelés teus ou korigans ; ceux-ci hantaient les lieux déserts et les pierres druidiques autour desquelles ils exécutaient leurs danses nocturnes. C’étaient autant de sorciers qui faisaient aux humains les plus méchants tours, et les transportaient d’un lieu à l’autre avec la rapidité de l’éclair. Émile Souvestre, dans le Foyer breton, raconte ces légendes et superstitions bretonnes. — Voyez aussi la lettre suivante.